De la culture des technologies immersives 

 

Cette semaine avait lieu dans le cadre du Geneva International Film Festival (GIFF) le Geneva Digital Market, première plateforme suisse de réflexion sur l’impact de la technologie sur le marché audiovisuel et son futur. Et l’un des événements européens les plus importants dans cette industrie, avec la participation des hautes écoles, du CERN et de l’Union européenne de radio-télévision (UER). Bref, un carrefour entre culture et technologie avec la créativité pour trait d’union, en présence des producteurs-trices traditionnel-le-s de contenus audiovisuels, des nouveaux acteurs numériques et des acteurs-clés du marché.

J’ai depuis longtemps la conviction que la convergence entre créativité, culture, économie et technologie constitue une perspective de création d'emplois et de richesses, tout en favorisant l'inclusion sociale et la diversité culturelle. Dans ce contexte, l’avènement de l’ère numérique joue un puissant rôle d’accélérateur. Dans le secteur culturel comme dans tous les domaines d’activité économique, la technologie détruit des emplois dans les métiers les plus répétitifs et les plus manuels (notamment dans l’industrie ou l’agriculture). En revanche, l’apport de la technologie permet d’être plus productif, plus créatif, de gagner en valeur ajoutée, et en temps disponible. Donc cela crée de nouveaux emplois et en dynamise certains déjà existants comme les métiers créatifs ou de service.

L'économie créative précisément se fonde sur les industries créatives, définies comme les cycles de création, de production, et de distribution dans lesquels la créativité et le capital intellectuel représentent les éléments essentiels. Le domaine du design numérique en constitue une très bonne illustration. Les secteurs concernés sont notamment les arts, le design, le patrimoine, les industries culturelles productrices de biens et de services ainsi que les médias.

Pour favoriser cette industrie créative, il faut des conditions cadres favorables. A commencer par le règlement du dossier de l’accord cadre avec l’UE, particulièrement vital pour ce secteur, en termes d’accès aux financements européens. Par ailleurs, la question de l’encadrement légal et réglementaire de la révolution digitale, dont la portée a des conséquences de plus en plus significatives, est elle aussi essentielle afin de rester porteuse d'opportunités pour l’emploi plutôt que source de risques et de fragilisation pour les employé-e-s et acteurs des secteurs concernés.

Les modèles d'affaires doivent aussi évoluer car la révolution 4.0 est la fin d'une distinction claire entre le digital et le réel. Dans cette révolution le rôle de l'Etat est essentiel : les États doivent se déterminer pour savoir quelle est la valeur ajoutée de l'humain. Dans cette perspective, la stratégie économie numérique du Conseil d'Etat, issue du rapport de politique numérique pour Genève de juin 2018, a déployé un plan d’actions qui s'articule notamment sur la régulation, l'accompagnement de la population dans l'évolution et l'émergence de nouveaux métiers et la promotion d’un terreau d’acteurs d’innovation technologiques. En ce sens, l'industrie créative est un formidable terreau de talents.

SOUTENIR L’EMERGENCE DE COMPETENCES DIGITALES ET DEVELOPPER LE BIEN PUBLIC DIGITAL

Des pôles de compétences en matière digitale (de la création numérique et aux festivals de culture numérique) existent à Genève; le Geneva Digital Market en est l’un des exemples les plus prometteurs. Il s’agit de les soutenir, par une politique de subvention et de partenariat, pour leur permettre d’atteindre une masse critique nécessaire à leur pérennité sur le plan régional, national et international. Les écoles des arts et métiers, les hautes écoles et les jeunes pousses (startups) sont des interlocutrices évidentes dans une telle démarche.

Je pousse un peu plus loin, après les discussions intensives que j’ai eues cette semaine lors du Geneva Digital Market, en affirmant que le canton de Genève a un rôle important à jouer pour développer la notion de bien public digital. Pour soutenir les industries créatives, l’Etat doit également promouvoir l’Open source. Les logiciels libres ou Open source qui permettent à la fois la collaboration et la concurrence, stimulent et dynamisent les savoirs et les mettent à la portée du plus grand nombre. Et il ne s’agit pas de gratuité, mais bien de partage. L’Open source casse les monopoles et favorise l’émergence d’acteurs locaux. Il autorise par la suite des améliorations et des corrections, car le code source est disponible.

L’Open source dépasse en effet les modèles économiques actuels et permet cette mutualisation des savoirs. Il n’est pas gratuit, il est partagé, c’est ce qui en fait l’intérêt. C’est une plus juste répartition des ressources qui stimule l’économie et a donc un effet positif sur le travail. Par exemple pour l’industrie créative comme les jeux vidéo ou la réalité augmentée, une branche au sein de laquelle les développeurs-euses utilisent des programmes de logiciels libres dont les codes sources partagés permettent d’améliorer les applications. Les débouchés sur l’emploi sont énormes tout comme ils le sont sur les activités liées au développement économique dans la culture. Je pense notamment au secteur de l’audio diffusion, mais aussi à l’édition. Cette mutualisation des ressources doit être soutenue par l’Etat.

METTRE EN PLACE LES CONDITIONS POUR ATTIRER ET RETENIR LES TALENTS PROVENANT DES HAUTES ECOLES OU DE L’APPRENTISSAGE

Avec la migration annoncée de la RTS à Ecublens d’ici quelques années, l’Etat- mis devant le fait accompli - doit se battre pour faire de cette délocalisation une opportunité pour les startups de l’audiovisuel, ce d’autant que le Canton est le propriétaire du terrain de la tour RTS. En vidant partiellement le bâtiment, la RTS devrait ainsi pouvoir mettre à disposition des espaces à des tiers actifs dans le domaine de l’industrie créative. Se créerait ainsi un pôle de création digitale, un vrai vivier à Genève !

La transformation numérique nécessite des compétences pour lesquelles l’administration cantonale est en concurrence avec de nombreux acteurs. En plus de servir le bien commun, l’Etat peut également soutenir les start-ups innovantes avec des programmes d’attraction de talents, de promotion de l’apprentissage, ou de conseil aux entreprises qui doivent être en lien avec les instituts d’excellence que nous avons en Suisse, eux-mêmes en réseau avec les instituts d’excellence dans le monde entier. 

C’est aussi l’intelligence adaptative que les pouvoirs publics doivent promouvoir à travers une formation adaptée pour que chacun et chacune puisse trouver un emploi et ne soit pas exclu-e de la révolution numérique. Pour ce faire, il s’agit notamment d’encourager et faciliter la formation continue tout au long de la vie, tout en alignant la formation aux besoins de l’économie et en développant les compétences techniques nécessaires afin  que les sociétés de productions puissent dépenser sur notre territoire et que les synergies entre sociétés de production suisses et étrangères bénéficient également aux professionnel-le-s, technicien-ne-s et acteurs de Genève.

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