Evitons un  "grounding" de Genève en novembre prochain

 

L'initiative 163 "Pour un pilotage démocratique de l'aéroport de Genève - reprenons en main notre aéroport" (IN 163) est perverse. Elle n'articule aucun plan d'action concret et engendrera en réalité exactement l'inverse des effets bénéfiques qu'elle présuppose. Pourquoi ne pas plutôt décréter un plafonnement du nombre de logements dans notre canton, à tant d'appartements par an et pas un de plus? Parce qu'un principe aussi étroit, qui participe du réflexe émotionnel, relève tout simplement de la tromperie!

Genève Aéroport fait figure de mauvais élève dans l'industrie aéronautique. Sa qualité et son efficacité sont louées mondialement, certes. Tout comme son niveau d'engagement en matière de protection de l'environnement et de sécurité aérienne, jugé même parmi les plus élevés des pays de l'OCDE. Mais il a le défaut d'être entravé par sa situation territoriale particulière: une plateforme urbaine, coincée entre deux massifs, à cheval sur la frontière franco-suisse. Ce "frein à main programmé" lui confère une incapacité naturelle à répondre indéfiniment à la croissance de l'aviation civile.

Soyons lucides, Genève Aéroport est et restera un nain en comparaison internationale. C'est en cela qu'il pèche face à ses pairs, dont les infrastructures progressent et s'adaptent continuellement à la demande du marché. Les siennes sont ajustées aux besoins actuels de la région, mais ne le demeureront pas éternellement. D'aucuns situent la limite à 650 mouvements d'aéronefs par jour, à l'horizon 2030. Pas un de plus.

Une volonté de plafonnement irréaliste

Dès lors, par analogie, pourquoi ne pas décréter qu'il faut plafonner les logements à tant de logements par an et pas un de plus? Simplement irréaliste!  Voilà pourquoi l'initiative 163 "Pour un pilotage démocratique de l'aéroport de Genève - reprenons en main notre aéroport" (IN 163) est perverse. Elle évite soigneusement de préciser que, indépendamment d'une réglementation parmi les plus restrictives d'Europe auxquelles la plateforme genevoise est soumise, le nombre de passagers transportés dans le monde va quand même doubler d'ici à quinze ans, à 7,8 milliards d'individus. 

L'IN 163 oublie aussi délibérément de rappeler qu'environ un quart de cette croissance (sièges passagers et fret) ne pourra jamais être satisfaite à Genève, en raison d'une impossibilité foncière d'étendre géographiquement nos activités aéroportuaires. Elle omet par ailleurs de souligner que les activités liées au tarmac génèrent directement, indirectement ou de manière induite, environ 40 000 emplois. A travers les quelque 200 entreprises qu'elle accueille, la plateforme genevoise assure chaque année plus de 4,2 milliards de francs de retombées économiques pour la région.

Un aéroport à la pointe de l'innovation durable

Le transport aérien est responsable de 3% des émissions de CO2 dans le monde. Le solde (97%) est à imputer en partie aux autres modes de transport, l'industrie aéronautique étant à ce stade la seule à avoir proposé un plan d'action tangible visant réduire ses émissions gazeuses. Dans ce contexte, Genève Aéroport n'est pas en reste: les avions sont de plus en plus légers et performants, ils consomment toujours moins de kérosène et s'efforcent de basculer vers le biokérosène.

Le tarmac genevois ne s'équipe plus que de voitures hybrides. Les collaborateurs de la plateforme, ses partenaires et ses passagers optent en masse (actuellement de 25% à plus de 50% d'entre eux) pour la mobilité douce. Sur le site, les véhicules paient des redevances pour circuler en fonction de leurs émissions et les passagers sont transportés par des bus électriques. La plateforme a coiffé ses toits avec 24 000 m2 de panneaux solaires et a investi plusieurs dizaines de millions de francs pour insonoriser 3100 logements alentours, y compris en France voisine.

Genève Aéroport a pour priorité de répondre aux préoccupations des riverains et de la population en général. Il vient d'ailleurs de négocier avec la Confédération un programme d'exploitation contraignant, visant à ramener en 2030 l'enveloppe acoustique au niveau de celle de 2009. Aussi, la surface des zones exposées au bruit a déjà diminué de 2,1km2 par rapport à 2017, à travers notamment des pénalités financières plus élevées pour les compagnies. Le trafic de ligne, a lui aussi connu un recul de 1,9%, rien qu'entre 2017 et 2018. Conséquence, à terme: 160 hectares sont appelés à être libérés d'ici à 2030, pour réaliser 1500 logements dans les secteurs de Cointrin et du Grand-Saconnex.

Une initiative "low-cost", poison pour l'emploi

Contrairement à la fiche PSIA, ou plan sectoriel de l'infrastructure aéronautique, que Bâle, Zurich et 56 autres aérodromes du pays ont déjà conclu de longue date, l'IN 163 ne fixe aucun objectif concret pour améliorer la qualité de vie des Genevois-e-s. Tout au plus, elle se contente d'invoquer des principes. Raison pour laquelle l'IN 163 est à la gouvernance, ce que le "low-cost" est à l'aéronautique: une impasse. Son contre-projet direct, voté en mars dernier par le Grand Conseil, est en revanche une alternative responsable, qui reprend les préoccupations de l'initiative, notamment de rapport aux autorités, ainsi que les objectifs de limitation des nuisances sonores et environnementales.

Genève Aéroport est une infrastructure d'importance majeure pour l'emploi et le rayonnement diplomatique de notre canton. C'est la colonne vertébrale de nos rapports avec le reste du monde, assurant à l'Arc lémanique, à nos voisins de Suisse romande et de France voisine un développement équilibré. Il faut refuser l'IN 163, pour éviter un "grounding" de la Genève internationale et, ainsi, couper les ailes de l'économie de toute une région.

Nous sommes chanceux en Suisse. La force de notre démocratie directe nous permet de nous rendre aux urnes régulièrement pour choisir les orientations politiques qui fixent le cadre des grandes politiques publiques. Cet important dimanche d’élections ne dérogera pas à la règle!

 

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