Soutenir les commerçant-e-s
face aux défis du numérique


En tant que point de vente supplémentaire, accessible 24h sur 24h, Internet offre une planche de salut, à plusieurs égards. Les magasins qui optent pour un relais dématérialisé renforcent durablement leur présence auprès de la clientèle. Pourtant à Genève, l'e-commerce peine à se généraliser. Son adoption dépend encore trop de la nature des produits vendus. Le défi est ici davantage culturel que technologique.

Certaines dates ont marqué notre paysage économique plus durablement que d'autres. Dans le commerce de détail, les périodes charnières sont notamment les suivantes: 1994, 1998 et 2008. Ces années correspondent à l’apparition, respectivement, d'Amazon, d'Alibaba et de Zalando, les géants du marché en ligne qui se sont imposés comme les principaux concurrents des magasins en Suisse et à Genève.

L’univers de la vente de produits et de services a considérablement changé ces 25 derniers exercices comptables. Signe que le numérique rebat sans cesse les cartes de ce secteur: rien qu’au cours de la décennie passée, le commerce helvétique – en particulier celui du textile et de l’habillement - a perdu quelque 16'000 emplois. Le poids de la rivalité transfrontalière, dopée aux nouvelles technologies et à la gestion de données de masse, s'alourdit chaque jour davantage.  Ce d'autant plus que la clientèle suisse est la troisième population au monde la plus adepte de shopping sur Internet, d'après les Nations unies.

Oui, les habitudes de consommation évoluent. Le changement est même de plus en plus rapide. Pour se donner une idée de l’accélération, Zalando était à peine né il y a dix ans et n’a véritablement commencé à déployer ses activités sur notre territoire qu’en 2012. A présent, la plateforme allemande d’e-commerce réalise chaque année et à elle seule environ 800 millions de francs de chiffres d’affaires dans notre pays. 

L'arbre du franc fort qui cache la forêt

Certes me direz-vous, mais le cours de l’euro oscille aujourd’hui autour des 1,10 francs. Il y a dix, le devise communautaire valait encore environ 1,50 francs et ne favorisait pas nécessairement le tourisme d’achat. Le franc fort est en réalité l'arbre qui cache la forêt numérique. C’est principalement en raison de la pression des colosses de la Tech que le nombre de centres commerciaux en Suisse diminue et que les ventes de nos échoppes de quartier reculent.

De nos jours, plus d’un tiers des produits achetés en Suisse sont influencés par la Toile. Les spécialistes ont même donné un nom à ce phénomène en forte croissance: l’effet ROPO, «research online, purchase offline» (recherche en ligne, achat hors ligne). Ce réflexe grandissant chez les consommateurs-trices du monde entier est particulièrement prononcé dans notre pays. Il fait référence aux client-e-s s’informant sur Internet des qualités d’un produit, pour ensuite y souscrire dans un point de vente stationnaire. C’est dire si la visibilité sur les nouveaux canaux de distribution, que sont les sites web et les réseaux sociaux, est désormais fondamentale pour le commerce de détail, car elle influence directement la fréquentation des magasins «traditionnels». 

L'Etat a un rôle prépondérant à jouer. A commencer par un travail de sensibilisation des petits commerçants à la transition numérique en cours, qui les fragilise et affaiblit leur dynamique de création d'emplois. Ensuite, en faisant appel à l'intelligence collective, dont les propriétés surpassent fréquemment les analyses de "big data" les plus pointues, afin de stimuler et d'accompagner les efforts des entrepreneur-e-s qui luttent avec des moyens somme toute limités face à des acteurs internationaux quasi hégémoniques. Mais aussi et surtout, en fédérant les différentes branches autour de mesures diversifiées et sans cesse renouvelées, comme celles déployées depuis de nombreuses années dans le cadre du "Plan commerces".

Promouvoir le commerce genevois et faire évoluer l’apprentissage

A Genève, des plateformes locales comme MagicTomato ou GeneveAvenue (une plateforme énergiquement soutenue par l'Etat), qui permettent à des artisans de fidéliser une nouvelle clientèle, ou à une communauté d’enseignes d’agir en réseau pour mieux mutualiser leur assortiment, l’ont parfaitement compris. Si la frontière entre client-e-s en ligne et hors ligne est poreuse ou tend à disparaître, c'est au final la qualité du produit, le service de proximité, des circuits de distribution plus courts, plus rapides - et donc plus durables - qui feront la différence. Pour beaucoup d'entreprises genevoises, notamment familiales, le défi est donc moins technologique que culturel.

Il est par ailleurs important de rappeler que le commerce de détail reste le principal employeur du secteur privé helvétique. Il emploie 6,5% de la population active et séduit un-e apprenti-e sur huit dans notre pays. Dès lors, se pose également la question de la formation, encore trop orientée sur la vente et pas assez sur le service à la clientèle ou l'enrichissement des consommateurs-trices via leur expérience en magasin. Or, le numérique a révisé nos exigences à la hausse sur le plan de l'accueil, de la considération personnelle et des relations humaines. Les technologies nous ont, paradoxalement, rendus plus sensibles aux petites attentions des vendeurs-euses et au sourire du caissier ou de la caissière, dont il faut préserver les emplois.

Basculer du "point de vente" au "point d'expérience-client-e"

Dans une économie où le digital et le physique s’interpénètrent avec la possibilité de retour et d’échange du produit acheté (concept du «click & collect»), où les synergies entre les différents canaux de distribution permettent aux stratégies «omnicanal» (fusion des points de vente stationnaire et dématérialisés) de voir le jour et où l’acte de consommation est également influencé par les méthodes de paiement proposées – (Twint, Paypal, ApplePay ou encore WeChat Pay), le sens redevient primordial. La boutique interactive va de pair avec le "touch and feel", pour rassurer le client ou la cliente sur la pertinence de son choix en ligne, préalable à l'achat en rayon. 

Les PME, colonne vertébrale de l'économie genevoise, sont des acteurs fondamentaux de notre prospérité. Il est de la responsabilité de l'Etat  de contribuer à préserver leur dynamique de création de valeur et d'emplois. Le département du développement économique soutient les entrepreneurs-euses et les exploitant-e-s de magasins dans l'innovation et attirer les consommateurs, non plus dans des "points de vente", mais vers d'authentiques "points d'expérience-client-e". 

L'arrivée de mastodontes du e-commerce dans les années 1994, 1998 et 2008 a bouleversé les étals à l'échelle planétaire. 2020 sera un nouveau marqueur important: celui où chaque vitrine genevoise aura trouvé sa place dans la nouvelle économie mondiale.

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