Rémunérations dans les grandes régies publiques : un besoin urgent de rééquilibrage

A la suite de l’audit du Service d’audit de l’Etat (SAI) évoqué par la presse cette semaine, les grandes régies publiques ont été une nouvelle fois pointées du doigt pour une gestion opaque des rémunérations de leurs directions. Ces dysfonctionnements démontrent la nécessité de réformer l’Etat sur la question du contrôle des salaires. Je présente ici des pistes, dont certaines ont été soumises au Conseil d’Etat en décembre 2019 déjà, mais sont restées sans suite.

Une volonté populaire de transparence

En 2012, le peuple a accepté par 55,9 % la loi sur l'organisation des institutions de droit public, du 18 novembre 2011, marquant ainsi sa volonté de contrôle démocratique et de transparence. Cette loi concernait les cinq grandes régies publiques genevoises (Transports publics genevois (TPG) ; Services industriels de Genève (SIG) ; Hôpitaux universitaires de Genève(HUG), Aéroport de Genève (AIG) et Hospice général (HG)), mais également les autres établissements de droit public, comme l’institution genevoise de maintien à domicile (IMAD) et les fondations immobilières. Elle fixait les principes de gouvernance applicables aux institutions, et visait à en faciliter le bon fonctionnement en répartissant les compétences entre le Conseil d’Etat, le Grand Conseil et les institutions, mais surtout à assurer la transparence des rémunérations. 

Cette volonté de transparence exprimée par les Genevois-es ne s'est pas retrouvée dans les modifications légales de 2017, votées par le Parlement et entrées en vigueur en 2018. Cette nouvelle loi sur les régies publiques a en effet délibérément omis toute disposition sur la fixation des salaires des directions de ces établissements par le Conseil d’Etat. Le but de cette loi était pourtant de corriger les dysfonctionnements, qui avait été dénoncés à plusieurs reprises, qu’il s’agisse de problèmes de rémunération, de compétences ou de gestion. Cette surveillance stratégique était censée garantir que les subventions allouées par le Parlement soient consacrées à des prestations à la population, et répondent bien à la mission donnée à chacune de ces entités. 

Mettre fin à indemnités forfaitaires opaques

Or, aujourd’hui, malgré les signaux d'alerte de ces dix dernières années, les mêmes écueils ressurgissent : les salaires sont gonflés d’indemnités qui n’ont pas été soumises au contrôle du Conseil d’Etat, ou pire, qui sont totalement dépourvues de base légale.  Des primes, liées à des frais de représentation et de déplacement avec défraiement pour les heures supplémentaires ont été décidées de manière unilatérale, parfois par un seul membre du conseil d'administration, sans consultation du Conseil d’État qui aurait aussi pu, de son côté, se montrer plus entreprenant dans l'exercice de son devoir de surveillance.

En décembre 2019, j’avais fait une proposition pour plafonner les rémunérations - tous éléments confondus - de directions des établissements de droit public à 250'000 francs par an, à l’exception des établissements de grande taille (SIG, TPG, Imad, HG et UNIGE), à 300'000 francs par an. J'avais placé hors de cette catégorie d'une part l'AIG et les HUG, considérant qu'il s'agit de très gros établissement pour lesquels on ne trouverait pas un-e dirigeant-e à moins de 400'000 francs par an, et les sociétés anonymes détenues par l'Etat, telles que la BCGE.

Un investissement dans les prestations, pas dans les privilèges

Cette réforme de fond ne concerne pas seulement ces entités mais tout l’État. Il est temps que le Conseil d’État en fasse de même en supprimant ses indemnités pour frais de représentation (10% du salaire annuel) pour chacun-e des conseiller-ère-s d’Etat. Tout comme il devrait abroger l’arrêté réglementaire fixant une indemnité pour frais de représentation, de 2800.- par an, pour chacun-e des sept secrétaires généraux quand bien même ils/elles n’ont aucune représentation publique. J’en ferai à nouveau la proposition au Conseil d’État, comme je l'avais fait l'été passé dans le cadre de la préparation du projet de budget 2021.

Alors que les charges du budget de l’Etat s’accroissent dangereusement chaque année, l’argent public ne doit plus être consacré à distribuer des hausses de salaires déguisées en indemnités de prétexte à des directions déjà privilégiées, ou pire à doubler l'indemnité forfaitaire pour heures supplémentaires des cadres supérieurs (comme ça a été récemment le cas jusqu'à 6% de salaire supplémentaire dans certaines grandes régies), mais doit garantir le maintien de prestations publiques à la population. Mettre fin à cet écueil évitera de réduire dans les effectifs de terrain, soit des femmes et des hommes qui délivrent tous les jours des prestations concrètes avec engagement.

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