Prestations publiques : besoin d’un cap et d’agilité

 

A l’heure où la situation sanitaire demeure tendue, l’Etat doit plus que jamais accélérer sa transition vers plus d’agilité pour délivrer de toute urgence les aides votées par le Parlement. Cette agilité requiert un changement de mentalité radicale pour répondre aux besoins de la population.

Ma collègue Nathalie Fontanet le confessait lors du point presse hebdomadaire du Conseil d’Etat de mercredi passé, certaines entreprises n’ont pas encore reçu les sommes dues pour le mois de juin dernier (!) au titre du chômage partiel - les fameuses RHT - de leurs employé-e-s. Six mois de décalage, c’est autant de temps où les patron-ne-s ont dû faire la banque et assurer les salaires de leur personnel.

Cette situation intenable est extrême concernant la durée d’attente, mais elle n’est pas isolée si l’on considère le mécanisme appliqué pour toucher une prestation d’aide financière. Nombreuses sont les entreprises que j’ai visitées ces dernières semaines dont les chef-fe-s m’ont décrit une forme de « violence administrative » qu’ils/elles subissent sans oser dire quoi que ce soit de peur d’être ensuite sanctionné-e.

Un manque profond de sensibilité

Un exemple récent m’a frappé. Je discutais avec deux coiffeuses de Plainpalais qui sont en Sàrl et se versent ordinairement 2'500 francs de salaire mensuel. Ce n’est déjà pas énorme, mais quand on a par ailleurs des charges fixes (loyer, leasings, abonnements , assurances, produits, etc.) de l’ordre de 5'000 francs par mois, c’est carrément impossible de tourner si l’on vous impose une fermeture.

Ces deux coiffeuses se débattaient avec l’administration qui leur demandait diverses attestations produites... par l’administration (attestation de non-poursuite, avis de taxation) ou dont celle-ci dispose déjà (copie du bail à loyer, extrait du bilan financier). Une fois leur fiduciaire équipée de ces éléments péniblement rassemblés, elles se sont vues adresser un courrier sec de refus complet de RHT.

Le document est sans appel :  libellé à l’en-tête de l’Office cantonal de l’emploi genevois, mais assorti de quelques termes génériques « 00 - Gesamtbetrieb » (comprenez « commerces non-essentiels ») et surtout sans salutations ni nom d’interlocuteur. « L’autorité cantonale décide : votre demande de RHT est refusée. Document valable sans signature ». Sans voie de recours affichée, de surcroît.

La pandémie nous entraine dans une triple crise : sanitaire, économique et sociale. Elle se caractérise par un triple changement : de rythme, d’échelle et de ton. Autrement dit, tout va plus vite, plus globalement et plus fort. Et cette triple crise s'accompagne maintenant d'une défiance croissante envers le pouvoir politique qui donne le sentiment de laisser l'administration en roue libre, autocentrée. 

Halte à la bureaucratie

En effet, les « administré-e-s » ne tolèreront plus longtemps d’être traité-e-s comme des données abstraites, dans une logique où l’administration est au centre et où l’usager-ère est à son service. Quand il en va de la survie des personnes et des entreprises, la surcharge administrative et la bureaucratie galopante ne sont simplement plus tolérables. Ni admises.

Les quelque 500 nouveaux postes de fonctionnaires fixes actés il y a dix jours lors du vote du projet de budget 2021 du canton de Genève ne sont pas pour rassurer, à cet égard. Combien vont renforcer les états-majors et processus administratifs existants qui aboutissent à des réponses aussi péremptoires que « votre paiement interviendra dans des délais utiles » ?

Faire preuve d’agilité

L’Etat ne peut pas rester la seule structure à ne pas s’interroger en profondeur sur la qualité et l’efficacité de ses agent-e-s, et donc sur l’accessibilité et la lisibilité de ses prestations. C’est particulièrement vrai quand il agit comme interlocuteur des entrepreneur-e-s, avec le nombre trop important de formulaires, de documents, de services et départements au travers desquels, le/la demandeur/euse doit naviguer.

Dès le 18 décembre au soir, l’Etat tournera au ralenti, car beaucoup seront en vacances. Or parmi, les entrepreneur-e-s qui attendent un soutien, rares seront celles et ceux qui pourront se targuer de pouvoir envisager des vacances. Donner un cap, c’est comprendre que l’Etat devrait rendre sa structure plus agile afin de répondre efficacement à l’urgence que vit une majorité de Genevois-es.

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