Guy-Olivier Segond, du cran et du cœur

 

Radical historique, grand homme d’Etat de conviction et de cœur, Guy-Olivier Segond nous a quittés jeudi 12 novembre 2020. Il aura marqué de son empreinte l’histoire de notre canton.

J’ai ressenti une immense tristesse à l’annonce du décès de Guy-Olivier Segond. Doublée d’une sidération totale, tant cet homme d’Etat paraissait invincible. Avec l’élégance de ceux qui ont fait leur la devise « never explain, never complain » face aux souffrances endurées, il se qualifiait malicieusement de « dossier médical sur pattes » ; sans doute pour nous apprendre l’impérieuse nécessité de la légèreté comme remède aux douleurs de la vie.

Figure tutélaire de l’humanisme radical, GOS a toujours fait partie de mon univers de citoyen engagé. Il en a même été un puissant déclencheur puis un mentor formateur, dans sa conception à la fois pragmatique et audacieuse de l’action politique. « La politique, c’est l’art de rendre possible ce qui est nécessaire » m’avait-il d’emblée prévenu. 

De la présidence de l’Eglise protestante à celle du Conseil d’Etat en passant par la Mairie de la Ville, le Parlement fédéral et les instances onusiennes, GOS a passionnément servi Genève. Souvent avec un coup d’avance. Parfois deux. Et toujours avec une redoutable capacité de penser différemment. 

Il aura été un précurseur dans de nombreux domaines. Création de crèches ou encore de réalisation des 100 premières places de jeu en ville de Genève.  Lancement avant même le feu vert de Berne de la prise en charge des soins pour les malades du sida, rapprochement des HUG et du CHUV pour une synergie de la recherche et une meilleure prise en charge des patient-e-s, ou encore introduction du revenu minimum cantonal d’aide sociale.

Visionnaire, il a vu avant tous les autres le potentiel des technologies de l’information, la nécessité de la fibre optique ou l’intérêt d’une exposition nationale autour du cerveau. Homme de liens et de réseaux, il n’a eu de cesse de rapprocher les composantes cloisonnées de la cité, des syndicats aux milieux académiques, en passant par la Genève internationale. Sans oublier sa défense des arts et de la culture, de l’Usine au Grand Théâtre.

Geneve doit énormément à ce grand magistrat radical. Par son sens de l’Etat, par sa connaissance intime des ressorts de la Cité de Calvin, par son dévouement aux causes les plus justes, par son souci des plus vulnérables, par son indépendance d’esprit et d’action, Guy-Olivier Segond aura indubitablement eu une influence sur l’existence des très nombreux/ses Genevois-es.

Sa disparition est pour moi la perte d’une figure paternelle. Désormais, je n’aurai plus ses notes manuscrites méticuleusement rédigées au feutre bleu, sa présence bienveillante du dimanche soir dans mon bureau, son écoute critique au bout du fil, ses textos amusés toujours ponctués d’une signature en trois lettres : GOS avec le « O » en emoji à lunettes de soleil. Mais je garderai à jamais ses traits d’humour acéré, son sens de la formule, ses conseils avisés.

Quand je lui demandais pourquoi il n’écrivait pas ses mémoires, il répondait toujours que les hommes passent et qu’au fond tout cela n’est pas très important. Pourtant, il aimait à raconter des anecdotes sur sa jeunesse genevoise et ses années au pouvoir. De l’incendie du Grand Théâtre, qu’il avait vécu enfant depuis la rampe de la Treille, à son amitié avec Jacques Chirac ou ses voyages protocolaires à Washington. C’était toujours passionnant et instructif. Une manière pour lui de transmettre avec générosité. 

Aujourd’hui, comme beaucoup à Genève, je mesure, par son départ et par l’émotion qui l’accompagne, l’ampleur de son héritage. « Du cran et du cœur » était l’un de ses slogans favoris, égrené lors d’une campagne dans les années 80. Plus que jamais, c’est cette image qui me restera gravé dans le cœur : celle d’un homme courageux, intelligent et sensible. Un homme au service du bien commun.

A sa famille et ses proches, j’adresse ici mes plus vives condoléances.

Facebook
Twitter
Linkedin
Instagram
Youtube