Un projet de budget 2021 à crédit

 

Les finances publiques seront durablement impactées par la crise du Covid-19. Si l’Etat veut relancer la machine économique, soutenir les entreprises et créer des emplois, ce sont les allocations de postes et des services qu’il faut repenser pour garantir les emplois de terrain plutôt que d’alourdir budget après budget la machine étatique en créant des couches hiérarchiques et administratives inutiles. Faute de quoi les prestations à la population risquent bientôt de ne plus être garanties et les grands projets ne verront jamais le jour.

En visite auprès de salons et cabinets qui ont repris leur activité il y a une semaine, j’ai constaté ces derniers jours que beaucoup de petites structures sont au bord du précipice financier, avec des charges fixes qui demeurent très lourdes et des limitations de clientèle dues au mètres carrés utilisables dans le commerce. Les patron-ne-s rencontré-e-s sont particulièrement inquiet-e-s pour le premier trimestre 2021.

Pour l’Etat aussi, la question de 2021 va se poser, la semaine prochaine, avec le vote du projet de budget cantonal. Mais la comparaison s’arrête là. Quand bien même le budget proposé par le Conseil d’Etat est déficitaire (850 millions de francs de déficit sur plus de 9 milliards de francs de dépenses), quand bien même la dette publique est déjà très élevée (12 milliards de francs), l’Etat ne fera pas faillite. Pas maintenant.

Les partis politiques  le savent bien, qui s’accommodent de ces chiffres et annoncent pour la plupart vouloir voter ce projet de budget. C’est à mon sens une erreur. Non pas parce que les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie  justifient des efforts considérables - personne ne le conteste et j’ai été le premier à demander des moyens supplémentaires au Parlement pour y faire face -, mais parce que, tel que proposé, le budget va poser des problèmes importants sur la pérennité des finances publiques et donc sur les prestations à la population. 

Une perte de maîtrise préoccupante

Je l’avais déjà dénoncé l’année passée lorsque je m’étais opposé, seul, au budget 2020. Le problème, c’est  l’incapacité chronique de définir des priorités et d’effectuer des choix, illustré par le gonflement des postes administratifs, dans l’élaboration du budget cantonal. 

De manière générale, sur le plan de l'évolution des charges de l'Etat (hors subventions à redistribuer et imputations internes), ces dernières passent de 7,751 milliards de francs aux comptes 2013 à 8,710 milliards aux comptes 2019, soit une augmentation de quelque 960 millions de francs  (+12,37 %) sur 6 ans. Cette progression est inégalée en Suisse, pour la même période.

Le problème de notre canton, c’est en premier lieu l’accroissement de l’inégalité des capacités financières entre contribuables, qui est préjudiciable à une assise large et solide de l’assiette fiscale. 

En 2016, la part des contribuables exonérés ou imposés sur moins de 15'000 francs, en raison d’un revenu déclaré ne leur permettant pas de vivre dignement, représentait 31,2 % de l'ensemble des contribuables. En 2001, ce taux était de 18,8 %. A l’opposé, en 2019, le nombre de contribuables fortuné-e-s établi-e-s à Genève ne payant pas d’impôt sur le revenu mais bénéficiant de forfaits fiscaux se montait à 601. Le corollaire de ces situations, c’est de faire porter la quasi-totalité de l’assiette fiscale sur une classe moyenne qui peine de plus en plus à supporter le poids des charges budgétaires supplémentaires qu’on lui impose.

Que faire dans ce contexte de pandémie? Précisément saisir l’occasion de la crise pour se remettre en question et agir sur trois axes : simplifier, équilibrer et prioriser. 

Simplifier

En premier lieu, on doit accélérer l'informatisation et la dématérialisation des prestations délivrées aux citoyen-ne-s pour éviter toute paralysie lors de périodes de confinement. A l’instar de l’Estonie qui a pu dématérialiser 99,5 % des services publics grâce notamment à la création d'une carte d'identité électronique permettant l'accès à tous les services de l'Etat sans avoir besoin de constituer un nouveau dossier pour chaque nouvelle demande. Cette carte pourrait être inspirée de l'expérience du dossier médical informatisé dont Genève a été le précurseur. Au passage, on supprimera les nombreuses procédures bureaucratiques qui perdurent abusivement et qui rendent aujourd’hui le quotidien des administré-e-s kafkaïen, entreprises en tête !

Équilibrer 

L'analyse des activités de l'Etat doit aussi être faite. Certaines tâches ou activités ne peuvent-elles pas être supprimées ou déléguées ? Dans ce cas également, les expériences de la crise du Covid-19 devraient être utilisées afin de voir quelles sont les prestations qui n'ont pas été délivrées et qui auraient dû l’être, et quelles sont les activités ou les services qui n'ont eu finalement aucun effet sur les besoins de la population. Pour aider les entrepreneur-e-s en période de Covid et faciliter le travail des entreprises, certaines prestations pourraient être avantageusement reprises par des acteurs économiques genevois, comme par exemple des contrôles de véhicules délégués par le Bureau des Autos aux garages locaux, à condition de contrôles périodiques.

Prioriser

Les couches administratives et hiérarchiques à l’Etat enflent particulièrement dans le projet de budget 2021. Il faudrait mettre en place une réallocation des effectifs, y compris dans les secteurs les plus sollicités par la crise. Je visitais lundi dernier l’Office cantonal des assurances sociales (OCAS), séparé du service de l’assurance maladie et du service des prestations complémentaires. Là où le canton de St-Gall, pour une population légèrement supérieure en nombre, a recours à un service unique composé d’une quarantaine de collaborateur/trices, le canton de Genève fait appel à trois fois plus de personnes répartis en trois services distincts qui développent leurs propres solutions informatiques séparées. Comment justifier qu’il n’y ait pas à Genève un guichet unique à l’heure où chaque franc compte dans le social ? Pire, en période d’urgence sociale, c’est une perte de temps pour les bénéficiaires - dont bon nombre de familles monoparentales et d’aîné-e-s - qui doivent subir la multiplication des tracasseries administratives avant de pouvoir toucher de quoi vivre.

Lundi 30 novembre s’achèvera la première moitié de la législature cantonale 2018-2023. Quel bilan pour quelles réalisations concrètes et quels résultats ? Les Genevois-es attendent toujours la mise en œuvre des grands projets annoncés en début de législature pour continuer à travailler, vivre et se projeter au-delà de la crise sanitaire, économique et sociale que nous traversons.

Facebook
Twitter
Linkedin
Instagram
Youtube