« Qu’allaient-ils faire dans cette galère ? »

C’est la question que l’on peut se poser quand on suit le Vendée Globe Challenge, fameux tour du monde à la voile en solitaire, sans escale ni assistance. En ce week-end de l’An, sur fond de pandémie , c’est là une des rares occasions de s’évader et se projeter ailleurs. Un ailleurs humide et lointain, à l’autre bout de la planète, dans un environnement dangereux voire hostile, qui amène à paraphraser Molière dans les Fourberies de Scapin : « Qu’allaient-ils faire sur cette mer ? ». Quelle folie !

Un Genevois dans la course

Cette course autour du monde me fascine depuis toujours, mais plus encore cette année. Mon ascendance vendéenne a peut-être une incidence, mais c’est la présence d’un Genevois parmi les concurrent-e-s, pour la deuxième fois consécutive, qui m’amène à suivre quotidiennement l’évolution des bateaux. En effet, Alan Roura, le plus jeune des participant-e-s (27 ans) a admirablement mené sa barque comme une entreprise, depuis quatre ans qui le sépare de la dernière édition, pour repartir plus aguerri et déterminé.

Son organisation, professionnelle mais légère, impressionne par son agilité. On sent que travail et passion se confondent pour un engagement d’équipe où chacun-e a une importance cruciale dans cette folle aventure. Oui, folle. Parce qu’il y risque sa vie dans les derniers territoires inconnus de la planète, dans des conditions dantesques (voir les passages des caps Bonne-Espérance, Leeuwin, Horn) et dans une solitude totale que ne relativisent pas les contacts radio possibles avec le continent.

Une aventure fraternelle

Alors pourquoi partir ainsi en mer pour quatre-vingt jours de « galère »? Pourquoi suivre cela passionnément à distance ? Pourquoi, comme des dizaines de milliers de personnes, participer en mode virtuel à la course, via cette application géniale qu’est Virtual Regatta ? Parce que l’être humain a besoin de se lancer des défis, quitte à les vivre par procuration. Surtout en période de sédentarité, de confinement et de retour à soi.

L’être humain a toujours besoin d’une quête dont le sens est le dépassement de soi, dans la construction d’une aventure commune. Même si elle se fait dans l’émulation voire la concurrence, cette aventure révèle souvent le meilleur, en témoigne la leçon de fraternité que nous a offert le navigateur Jean Le Cam avec le sauvetage de l’un de ses concurrent-e-s, Kevin Escoffier, dans les conditions épouvantables décrites par ce dernier. Ce qui est intéressant à travers cette aventure sportive, c’est la gestion de la peur. Comme disait la comédienne genevoise, Claude Inga-Barbey, dans une pointe d’humour tragique: « la peur c’est se promener avec un fusil dans la jungle parce qu’on a peur des lions ; l’angoisse, c’est se promener avec un fusil dans un centre commercial parce qu’on a peur des lions ». En cette période de crise, le Vendée Globe nous montre que la peur est nécessaire pour répondre à un danger concret, et qu’y faire face avec courage permet d’avancer. Au contraire de l’angoisse qui toujours nous entrave.

Une leçon universelle

« Le Vendée Globe, ça ne se gagne pas, ça se termine », comme dit l’adage. Le classement a certes son importance, mais le temps de parcours davantage, car il reflète le vrai défi. Celui qui oppose le/la navigateur-trice à elle/lui-même : sa capacité de discernement sur la météo, sa sensibilité aux vents, son goût du risque pour une route plus difficile mais plus rapide, sa résistance physique et mentale dans la solitude des éléments déchaînés, son refus de la tentation de tout abandonner.

C’est en réalité une leçon de conduite par gros temps, que cette course autour du monde : rien n’est facile, mais rien n’est impossible non plus. Il faut bien se préparer, s’accrocher et s’adapter aux circonstances. La victoire est à la fois individuelle et collective, car si elle dépend de la capacité de ces navigateurs-trices à se surpasser, elle se fonde avant tout sur un travail d’équipe essentiel. C’est sans doute cela la plus grande leçon des courses de voile :  à la fin, la nature humaine ne triche pas. 

Bonne route à chacune et chacun en 2021 !

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