Genève Aéroport: grounding ou redécollage?

 

Le trafic aérien mondial est paralysé depuis plus de deux mois. La reprise de cette activité fondamentale pour la Genève internationale et nos emplois est incertaine. L’avenir de notre infrastructure aéroportuaire dépend de la capacité à équilibrer durabilité et soutien à l'économie.

On aurait pu rêver mieux pour un centième anniversaire. Pour l’aéroport international de Genève, 2020 restera sans doute un «annus horribilis», alors même que la plateforme aéroportuaire fête ses cent ans d’exploitation et de succès ininterrompus. 100 ans de bons et loyaux services d’une infrastructure entièrement en mains publiques, au bénéfice de la population et de l’économie de toute une région, mais aussi au profit de l’activité internationale et diplomatique du 2e siège de l’ONU.

Une étude empirique conduite en 2018 par l’institut de recherches économiques bâlois BAK Basel indiquait un impact induit sur l’emploi équivalent à 33’600 équivalents temps plein (ETP). A ces emplois, il faut ajouter les quelque 11’000 collaboratrices et collaborateurs de la plateforme aéroportuaire au bénéfice d’un contrat de travail. Cette même étude évaluait par ailleurs l’impact économique à 4 milliards de plus-value annuelle pour toute la région.

Une plateforme maîtrisée et responsable

Avec une augmentation de 1,4% des passagers-ères et une baisse des mouvements (atterrissages et décollages) de 0,6% en 2019, l’aéroport offrait des prestations attractives pour l’économie touristique, tout en s’engageant concrètement dans la diminution de son empreinte environnementale et des nuisances sonores. Il répondait ainsi à une stratégie de développement durable nécessaire et d’ailleurs soutenue par le Conseil fédéral en novembre 2018 dans le cadre du Plan sectoriel d’infrastructure aéronautique (PSIA).

L’an passé, près de dix millions de personnes se sont ainsi rendues dans notre région via Genève Aéroport, afin de la visiter ou pour raison d’affaires (20%). L’exercice 2019 offrait par ailleurs d’excellents résultats en termes de connectivité, car l’aéroport était en capacité de relier 124 destinations européennes et 24 destinations intercontinentales. Même le fret à l’export, révélateur de la santé économique genevoise, a bien résisté en 2019, avec une baisse très modérée de 3,7%.

Un tarmac à très haute valeur ajoutée

Le trafic aérien est aujourd’hui à l’arrêt depuis plus de deux mois et la reprise de cette activité centrale pour l’économie genevoise et les emplois est entachée de nombreuses incertitudes. Il suffit de s’y rendre pour constater que la situation de l’aéroport international de Genève est très préoccupante, avec à peine 300 personnes de passage par jour dans l’aérogare, là où on en comptait entre 40’000 et 60’000 il y a encore trois mois.

Il est impossible à ce stade d’établir de sérieuses prévisions sur l’exercice 2020 mais on sait d’ores et déjà que le trafic des passagers-ères, comme celui des marchandises, seront fortement touchés du fait d’une chute spectaculaire de la connectivité. En ce qui concerne le trafic des marchandises, il faut rappeler que Genève Aéroport est une porte de sortie hautement stratégique, puisqu’un volume substantiel de marchandises à très haute valeur ajoutée transite par celui-ci (horlogerie, chimie).

Le Covid-19 a durement frappé le monde aérien et l’aéroport enregistre donc des résultats catastrophiques: 6349 voyageurs et voyageuses ont décollé ou atterri à Cointrin en avril dernier, contre 1,526 million douze mois plus tôt. De l’avis des spécialistes, l’inertie à la reprise sera très forte et notre économie touristique et d’exportation sera durement touchée dans les mois et années à venir. Et quand notre porte ouverte sur le monde pique du nez, c’est tout le corps social qui entre en léthargie.

Test de résilience du Grand Genève

Dans ce contexte et compte tenu de l’importance cruciale que revêt l’aéroport pour Genève, l’Etat - son seul propriétaire et son principal bénéficiaire - devra repenser sa stratégie pour l’avenir de la plateforme, les emplois qui lui sont liés et pour garantir sa prospérité économique. Il devra de surcroît le faire seul, car la Confédération a d’ores et déjà indiqué clairement que son soutien portera sur Zürich, principalement à travers son ex-compagnie nationale, aujourd’hui propriété allemande.

Ce n’est pas la première crise que traverse Genève Aéroport en cent ans d’existence. Ni la dernière, sans doute. Mais de la capacité de se relever de celle-ci dépendra le redémarrage d’une bonne partie de l’économie régionale et donc de l’emploi local. La vision stratégique sur l’avenir de notre infrastructure aéroportuaire, qui devra équilibrer durabilité et soutien à l’économie, et la capacité d’exécution de cette vision seront, par conséquent, des éléments essentiels pour faire de ce centenaire particulier une occasion de redécoller plutôt que d’installer un «grounding» économique, dévastateur pour les emplois et les entreprises du canton. 

Facebook
Twitter
Linkedin
Instagram
Youtube