La justice doit être avant tout sociale

 

En pleine deuxième vague de Covid-19, la semaine passée a été marquée par l’irruption de la justice dans la gestion gouvernementale de la crise. La Cour de justice genevoise a en effet contraint le Conseil d’Etat à rendre aux Églises la faculté de tenir des services religieux, sous strictes conditions sanitaires (plans de protection). Ce rappel à l’ordre est intéressant pour de multiples raisons.

Proportionnalité 

D’abord du point de vue des principes, la décision de justice porte sur l’annulation de cette interdiction. Autrement dit, la Cour ne conteste pas au Conseil d’Etat la légalité de son action même si celle-ci est fondée sur un droit d’exception, le droit d’urgence, ni l’intérêt public sanitaire évident qu’il poursuit. La Cour estime toutefois que l’interdiction pure et simple des cultes est disproportionnée, en l’état.

Ainsi, le Conseil d’Etat va trop loin. Il pourrait atteindre les mêmes objectifs et concilier les différents intérêts en présence (préservation de la santé, liberté de culte, maintien du lien social) en développant une approche qui garantit tous ces intérêts. Or cette recherche de proportionnalité devrait guider en permanence les autorités, pas uniquement dans le domaine des services religieux. Cette décision a-t-elle valeur d’avertissement général ? 

Concertation

Pour ma part, j’alertais mes collègues en début de semaine passée sur deux autres aspects problématiques de l’interdiction totale des services religieux : l’absence de cohérence avec les régions environnantes et l’absence de concertation avec les milieux concernés, pourtant désireux de trouver des solutions portées en commun. Là où les autres cantons romands le pouvaient, Genève ne le voulait pas.

J’ai donc fait porter à l’ordre du jour de la séance ordinaire de mercredi passé la question générale du redémarrage des activités – y compris spirituelles. Malheureusement, le Gouvernement a repoussé la question et se voit aujourd’hui dépossédé de sa capacité propre d’adapter son dispositif, perdant au passage la confiance des interlocuteurs-trices religieux/euses.

Or ce qui est valable dans ce domaine l’est aussi pour d’autres secteurs d’activité, tels que la culture, le sport, le commerce de détail et la restauration, où les enjeux sont aussi importants en termes de cohésion sociale. Et où les décisions de fermeture totale doivent s’accompagner de prises en charge financières rapides afin d’éviter les dégâts collatéraux. En ce sens, le dialogue engagé avec le monde de la nuit, à la fin de l’été passé, a abouti à une recherche de solutions réussie.

Responsabilité

Au-delà de la recherche constante de concertation et de proportionnalité, l’arrêt de la Cour de justice rappelle aussi que la responsabilité d’un gouvernement en temps de crise porte sur l’articulation cohérente des libertés. De toutes les libertés, publiques et privées. Or le message des autorités exécutives ne peut pas simplement consister à interdire, sous réserve d’un contrôle judiciaire ultérieur, sauf à décharger sa responsabilité décisionnelle sur le pouvoir judiciaire.  

Espérance

Pour revenir aux services religieux, je me réjouis que ceux-ci puissent reprendre, dans le respect des normes sanitaires. Car en recevant des témoignages bouleversants de personnes qui vivent un deuil très douloureux du fait qu’elles ont parfois été privées du dernier contact avec un-e défunt-e et se sont retrouvées seules ensuite, pendant les funérailles, je me rends compte de la nécessité du recueillement spirituel collectif comme réconfort face à la perte d’un être cher.

Abroger ou supprimer les rites, en période de pandémie, bouleverse les repères. Or à l’approche des Fêtes de fin d’année, beaucoup d’entre nous ressentent le besoin du collectif. Pour en faire une espérance, il faut poser comme base la recherche d’une nouvelle justice sociale, non pas parce que l’institution judiciaire en aura décidé ainsi, mais parce que les autorités auront entendu ce besoin de la population. 

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