Alléger les poids de la crise économique

Lors de plusieurs entretiens, la semaine passée, avec des entrepreneurs-e-s, sont apparus des problèmes générés par le système d’aide aux entreprises et aux salarié-e-s. Si ces problèmes ne sont pas anticipés et n’appellent pas des réponses rapides, ils vont constituer un fardeau  pour les entités concernées. C’est notamment vrai en matière de chômage partiel (RHT) et de prêts COVID. Je propose plusieurs pistes pour éviter de le traîner.

Si tout le monde s’accorde à dire que le système des réductions d’horaire de travail (RHT) - appelé aussi chômage partiel - fonctionne bien en théorie, il apparaît clairement que ce système connaît aussi des ratés en pratique. La lourdeur qui entoure l’octroi de ces prestations aux salarié-e-s est assez généralement relevée, avec des entreprises qui doivent faire la banque pour des salaires non remboursés remontant à trois mois en arrière, mais aussi avec des décisions curieuses, notamment pour les salons de coiffure, qui en sont privés au motif qu’ils restent ouverts, malgré une fréquentation anémique au centre-ville due au télétravail.

Les limites du système de RHT

Le système des RHT compense à hauteur de 80% le revenu perçu jusque-là. Cela signifie une importante perte de pouvoir d’achat pour les salarié-e-s concerné-e-s, en particulier pour les petits salaires, inférieurs à 5’000 francs bruts mensuels. Cela impacte aussi les personnes censées payer une pension alimentaire, dont la base de calcul s’est opérée sur un revenu à 100%. Si de nombreux/euses chef-fe-s d’entreprise ont compensé, en tout cas dans un premier temps, les 20% de revenu manquant, beaucoup ne peuvent plus le faire bientôt un an après le début de la crise. Toutes ces situations sont ressenties de façon aiguë par les gens qui passent en-dessous du seuil de pauvreté.

Ce système de RHT recèle aussi un effet pervers, perceptible par exemple dans le cas des restaurants. En effet, les jours de vacances ne sont pas intégrés au calcul des jours chômés. Et les employé-e-s au bénéfice de RHT accumulent ainsi un socle incompressible de jours de vacances qui leur seront dus mais qu’ils/elles ne pourront pas absorber au moment de reprendre l’activité professionnelle. Cela va représenter un vrai casse-tête pour leur employeur-e censé-e tout à la fois redémarrer l’activité et rendre sous forme de jours de vacances des périodes dues à leurs employé-e-s. Là aussi, on voit les limites d’un système qui n’a pas été pensé pour une telle crise.

Le fardeau de l’endettement

Dans le même ordre d’idée, les dettes accumulées par les entreprises à la faveur des prêts consentis au printemps passé à hauteur de 10% du chiffre d’affaires de l’entreprise vont constituer un fardeau. D’abord psychologique car nombreux/euses sont les entrepreneur-e-s pour lesquel-le-s cette situation d’endettement est aussi nouvelle que pesante. Mais ensuite et surtout parce qu’au bilan de l’entreprise, la charge de l’endettement va représenter une entrave au développement de l’entreprise, que ce soit sur le type d’investissement futur qui se verra ainsi bloqué par l’existence de ce prêt, ou en raison des blocages de dividendes que cela génère.

Bref, en matière de RHT comme de prêts COVID, il va falloir faire preuve de créativité pour éviter que le remède initial ne se transforme en accélérateur de licenciements et de faillites.

Un système de renforcement des fonds propres

J’ai proposé pour cela, au printemps passé déjà, un système permettant de convertir la « banque » d’heures ou de dettes en un forme de fonds propres pour l’entreprise. Ce serait en particulier nécessaire si, comme je le souhaite, un deuxième cycle de prêt COVID était mis sur pied pour faire face à la situation actuelle.

En quelques mots, il s’agirait de financer une augmentation de capital des entreprises concernées, valant renforcement des fonds propres. Ce capital nouveau devrait rester neutre à l’assemblée générale afin d’éviter toute prise de contrôle de l’Etat sur la société, comme les bons de participation. Afin de ne pas pénaliser les sociétés et leurs actionnaires, les dividendes sur ce type de capital nouveau devraient être déductibles, comme les intérêts. On pourrait aussi monétiser les dettes contractées  en convertissant les emprunts en « chèques formation » permettant de valoriser l’engagement d’apprenti-e-s dont la réussite conditionnerait l’abandon de la créance.

Une participation étendue

Pour financer ces prêts et ces participations d’un type nouveau, un fonds spécial COVID pourrait être créé, dont le but serait de réduire le plus possible la facture de la pandémie. Un tel fonds devrait être ambitieux et doté au minimum d’une cinquantaine de milliards de francs, financé à hauteur de 25% par la Confédération, 25% par les cantons et 50% par la Banque nationale suisse. Ce fonds extraordinaire reprendrait les prêts COVID déjà accordés et en concèderait des nouveaux. En laissant le temps aux PME de surmonter la crise, de rembourser leur crédit ou de racheter le capital ainsi souscrit, ce fonds pourrait réduire la facture globale du COVID.

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