Fin de mois en solde

Tous les témoignages convergent pour une prise en charge urgente afin que les entrepreneur-e-s et salarié-e-s qui ont été contraint-e-s d’arrêter leur activité puissent toucher un revenu à la fin du mois. L’heure n’est plus aux promesses vaines, mais à la réalisation d’une aide concrète sur les comptes bancaires de toutes ces personnes touchées par la crise. Il en va désormais de leur survie.

J’ai passé une bonne partie de la semaine à arpenter les rues et rencontrer les gens. Pas ceux de la rue de l’Hôtel-de-Ville, sur la colline. Ceux de St-Jean, de la Jonction, de Plainpalais, de Carouge ou encore des Pâquis. Ceux pour qui la fin du mois sonne comme la fin d’un monde. Le monde du commerce de proximité, du restaurant de quartier, du salon de coiffure. Bref, ceux qui sont au bout de l’espoir.

L’expression d’un désespoir

Au désarroi de ces entrepreneur-e-s engagé-e-s, par rapport à la cessation brutale de leur activité, s’ajoute la colère de se sentir abandonné par des autorités en décalage avec les réalités du terrain. Le sentiment qu’elles n’ont pas pris la mesure de ce qui se passait dans ces branches sinistrées, malgré l’urgence de la situation qui commandait une action rapide plutôt que des annonces fumeuses.

Tous les témoignages convergent : les fermetures définitives sont programmées, car on ne voit plus aucun motif d’espérer et donc d’investir, après la confirmation des restrictions durables de voyage, après la fermeture printanière qui les a déjà mis à genoux suivie de celle de novembre, et avec le retour du manque de liquidités et donc du risque de faillite et de son cortège de licenciements.

Je reste frappé par le manque d’écho à ces constats simples et imparables que j’esquissais en septembre dernier devant le Conseil d’Etat, dans la perspective de la deuxième vague que nous subissons maintenant. Et je n’ose penser à l’impact de la troisième vague qui ne manquera pas de nous tomber dessus le printemps prochain, si nous ne faisons pas preuve d’un peu plus de discernement dans les mesures imposées.

Une besoin de cohérence

Dans le chaos actuel de ces mesures sanitaires parfois peu compréhensibles, souvent incohérentes et tantôt inapplicables, se dégagent en effet quelques tendances assez claires quant à leurs effets au plan économique. En résumé, les modes de consommation évoluent à grande vitesse, et l’emploi ainsi que les finances publiques vont en être impactés. L’heure est l’agilité, à l’efficacité et à la solidarité. L’heure est au soutien direct, à fonds perdus, pour maintenir la confiance et faire circuler l’argent.

Si un franc sur deux du PIB suisse se gagne à l’étranger, l’autre se crée en Suisse. Or la consommation nationale est sévèrement touchée en cette fin d’année, entre le tourisme, la culture, la gastronomie et le commerce. Le pouvoir d’achat a baissé et l’argent circule moins facilement. Le chômage va augmenter et la précarité s’installer dans la durée. Quant aux profits, ils seront délocalisés avec l’accroissement de la vente en ligne dont les finances publiques vont beaucoup souffrir sous l’angle fiscal.

D’où l’importance de réinjecter des liquidités en garantissant une prise en charge généreuse des trous d’air salariaux via les RHT/APG, et en relançant les prêts Covid du printemps, mais aussi en assouplissant d’urgence les critères d’insolvabilité (art. 725 CO). Ces mesures immédiates sont incontournables et urgentes pour sauver l’économie. 

Une aide financière à la hauteur et des procédures accélérées

Elles nécessitent de se montrer à la hauteur de l’enjeu en allouant suffisamment d’argent pour sauver les entreprises et les emplois (Berne a entendu l’appel des faîtières en annonçant mercredi une augmentation du montant des aides de 200 millions à 1 milliard de francs), mais aussi en accélérant et en simplifiant les procédures au sein des administrations publiques.

Autrement dit, si les pouvoirs publics ne se réorganisent pas rapidement pour rendre effective l’aide promise (donc réelle, à fin novembre sur les comptes en banque des bénéficiaires!), pour faire sauter les verrous administratifs voire légaux qui empêchent les entrepreneur-e-s et les salarié-e-s d’être financièrement soutenu-e-s, on n’aura pas besoin d’attendre la troisième vague épidémique pour constater la noyade.

Assez de commissions techniques, de task force, et autres réunions interservices entre hauts fonctionnaires, qui sont autant de freins à la délivrance d’une aide rapide pour celles et ceux qui souffrent le plus de cette crise. Du concret, maintenant !

Facebook
Twitter
Linkedin
Instagram
Youtube